Faits marquants 2020

Faits marquants 2020

Dans ce dossier

Logo du 1er challenge de modélisation en épidémiologie animale
Le département Santé Animale a lancé le 28/08/2020 le premier défi international de modélisation en épidémiologie animale. Ce défi vise à améliorer la capacité collective des équipes de modélisateurs à prédire la propagation d’une épizootie à large échelle et à soutenir les décisions publiques en situation de crise. Une épidémie virtuelle a été générée sur l’exemple de la peste porcine africaine dans un contexte européen réaliste, à l’interface entre sangliers et élevages porcins. Depuis le lancement, neuf équipes internationales utilisent en temps réel les données synthétiques simulées et mobilisent des modèles statistiques et mathématiques pour prédire la suite de l’épidémie et tenter d’identifier les stratégies de maîtrise les plus efficaces pour limiter l’impact de la maladie sur le territoire. Les dernières prédictions sont attendues pour le printemps 2021. À l’issue de cette période, une réflexion collective visera à identifier les méthodes de modélisation ou les combinaisons de méthodes les plus prometteuses pour agir de façon réactive et fiable en cas de crise sanitaire réelle.
Rift valley fever
La fièvre de la Vallée du Rift (FVR) est transmise par des moustiques, principalement au bétail, provoquant des vagues d’avortement et une mortalité élevée chez les animaux les plus jeunes. C’est une zoonose dont la forme grave peut-être fatale pour l’homme. La FVR fait partie de la liste des maladies émergentes prioritaires de l’OMS. Un modèle mathématique a été développé pour estimer le potentiel épidémique de la FVR au nord du Sénégal, une région régulièrement touchée depuis la fin des années 1980. C’est en Septembre que l’introduction du virus peut provoquer le plus de cas secondaires et permettre le démarrage d’une épidémie. Les localisations les plus à risque de constituer un foyer épidémique varient selon les années. Dans ces localisations à risque, accroître l’immunité des bovins permettrait de réduire la transmission du virus de manière plus avantageuse qu’une action sur celle des petits ruminants. Par contre, les densités de moustiques sont telles que la diminution de leur population ne constitue pas une piste viable de réduction du risque. Ces travaux seront complétés en intégrant la transmission spatio-temporelle du virus via la mobilité animale saisonnière. Tester des scénarios climatiques liés aux changements globaux permettrait également d’anticiper le risque aux portes de l’Europe.
Tiques gorgées sur la tête d’un campagnol roussâtre, une des espèces de petits rongeurs les plus fréquentes au sein de nos agro-écosystèmes.  Photo Yann Rantier (projet OSCAR).
Avec plusieurs centaines de milliers de cas humains par an, les maladies à tique sont les maladies vectorielles les plus importantes en Europe. Elles font intervenir une grande diversité d’espèces de vertébrés sauvages et domestiques qui sont des hôtes de nourrissage utilisés par les tiques pour leurs repas sanguins mais aussi des réservoirs d’agents infectieux transmis par ces acariens. La mosaïque d’habitats que constituent les paysages bocagers (forêts, haies, cultures, prairies…) influence la distribution dans l’espace de ces agents pathogènes. Le taux d’infection par des bactéries transmises par les tiques varie chez des petits rongeurs échantillonnés dans des sites dont les paysages présentent différentes surfaces de boisement et densités de haies. La fréquence des bactéries responsables de l’anaplasmose augmente avec la proportion d’habitats boisés, elle-même corrélée à l’abondance des mulots sylvestres qui sont des réservoirs efficaces de cet agent pathogène. Pour les bactéries responsables de la maladie de Lyme, plus l’interface entre milieux boisés et prairies est important, plus elles sont fréquentes dans les petits rongeurs. Ces résultats illustrent la nécessité de prendre en compte l’écologie des communautés et l’écologie du paysage pour mieux comprendre l’épidémiologie de ces maladies.
L’autopsie animale est un geste vétérinaire hautement technique, indispensable à des fins réglementaires et thérapeutiques. IVAN est un outil d’aide à la décision innovant, sous forme d'application WEB, à destination des vétérinaires pratiquant des autopsies sur bovin. IVAN s'appuie sur des méthodes d'intelligence artificielle (IA) pour assister le vétérinaire. À partir de données générales sur l'animal, IVAN suggère une liste d'organes sur lesquels porter l'attention, à la recherche de lésions qu’il peut aider à identifier. Les propositions de chaque étape de son raisonnement sont classées selon leur probabilité et soumises à la validation du praticien. Cela permet à la fois de rendre le processus guidé par IA explicite pour l'utilisateur (pas d'effet "boîte noire") et de laisser le vétérinaire maîtriser l'ensemble de la chaîne d'élaboration du diagnostic. Le système liste alors les diagnostics morphologiques susceptibles de correspondre aux lésions pour enfin proposer les maladies possibles toujours par ordre de probabilité. IVAN peut également suggérer des examens complémentaires pour confirmer le diagnostic. IVAN est un assistant unique et performant qui apporte une aide significative au vétérinaire dans l'acte d'autopsie. Toutes les étapes de ces déductions s’appuient sur des méthodes d’IA (réseaux bayésiens), entraînées par les données collectées depuis plusieurs années par Autopsie Service à Oniris.
Les maladies endémiques circulent en permanence et peuvent générer de lourdes pertes en élevage à moyen ou long terme. Lutter contre ces maladies est essentiel pour une agriculture durable et des chaînes agroalimentaires compétitives. Des collaborations scientifiques interdisciplinaires entre biologistes, économistes et modélisateurs ont mis en exergue comment la modélisation mathématique en épidémiologie contribuait à mieux comprendre et prédire la circulation de ces maladies, ainsi qu’à guider leur maîtrise à toutes les échelles, depuis l’animal jusqu’aux territoires et aux filières de production primaire. Les défis scientifiques et méthodologiques qui persistent néanmoins pour proposer des options de maîtrise ciblées et en évaluer l’impact ont été recensés. La prise de décision stratégique des éleveurs reste à inclure pour mieux appréhender le compromis entre gestion individuelle et gestion collective et orienter au mieux les incitations. Intégrer la réponse immunitaire des hôtes à l’infection permettrait par ailleurs d’affiner les interventions, notamment thérapeutiques et préventives (vaccination). Enfin, nourrir les modèles de données observables en élevage permettrait d’en accroître le réalisme et l’utilité pratique, pour un appui aux politiques publiques ou privées collectives.
Les modèles épidémiologiques mécanistes, tels que ceux développés dans l’unité BIOEPAR, permettent de comprendre et prédire de façon fine la propagation des agents pathogènes, mais aussi d’évaluer et de comparer des scénarios de maîtrise. Rendre ces modèles utilisables en autonomie par des gestionnaires de la santé animale permet un appui aux politiques publiques ou une amélioration de la gestion sanitaire collective en élevage. Cela implique de les transformer en outils d’aide à la décision, ce qui demande ordinairement un développement logiciel ad-hoc important. Le projet de prématuration ATOM, financé par la Direction Partenariat et Transfert pour l’Innovation d’INRAE, consiste à élaborer une chaîne logicielle permettant de transformer automatiquement des modèles épidémiologiques académiques en outils d’aide à la décision utilisables en autonomie, prêts à être adaptés à façon selon les besoins concrets. Cette initiative innovante, combinant des méthodes d’intelligence artificielle et de génie logiciel, vise à faciliter le transfert de résultats de la recherche académique en santé animale vers les acteurs de terrain. L’utilisation des outils produits permettra par ailleurs d’asseoir la prise de décision à l’échelle de l’exploitation, de la filière ou du territoire.
Schematic overview of herd management in a typical Irish spring calving dairy herd.
La paratuberculose bovine est une infection bactérienne chronique de l'intestin qui entraîne des pertes importantes dans les exploitations laitières. En Irlande, le système laitier utilise l'herbe pâturée comme principale source d'alimentation des bovins en lactation, impliquant que les naissances de veaux ont lieu au printemps dans la majorité des troupeaux. Pour comprendre comment maîtriser la paratuberculose dans les troupeaux bovins laitiers irlandais, il faut tenir compte de cette démographie saisonnière des troupeaux. Le modèle épidémiologique français sur la paratuberculose a été adapté et a permis de simuler la dynamique de transmission en contexte saisonnier et d’évaluer différentes options de maîtrise. L'exposition des veaux à des environnements contaminés par les vaches reste dans ce contexte saisonnier le principal risque à maîtriser, en particulier pour les jeunes veaux, les plus sensibles à l’infection. Les tests et l'abattage des animaux excréteurs permettent une maîtrise efficace à condition de les utiliser avant la période de vêlage, de manière à réduire le nombre de vaches fortement excrétrices présentes à la naissance des veaux.
Un partenariat avec l’Institut Sénégalais de Recherches Agricoles (ISRA), Laboratoire National d'Elevage et de Recherches Vétérinaires, initialement facilité par le CIRAD, s’inscrit progressivement dans la durée.
Floor des Pays-Bas qui travaille pour l'Irlande mais vit en France
Je m'appelle Floor et je suis née et j'ai grandi aux Pays-Bas. L'année dernière, je suis arrivée en France pour y travailler pendant trois ans, mais mon employeur est irlandais. Une collaboration géniale entre trois pays européens, mais aussi un défi. Outre les difficultés pratiques, c'est aussi une formidable occasion d'apprendre. Car même si la France, l'Irlande et les Pays-Bas sont tous des pays d'Europe occidentale, les cultures sont vraiment différentes. Chaque jour est une aventure. Les Français avec leurs habitudes bizarres, les Irlandais avec leur politesse excessive, et moi, la Néerlandaise qui observe tout cela. Il y a quelque chose de nouveau à apprendre chaque jour !
Avec la crise de la COVID-19 la question des co-infections virales est devenue prégnante. Que font les virus respiratoires lorsqu’ils se rencontrent et quelles conséquences pour l’hôte animal ? L’analyse des conséquences de la rencontre des virus de la grippe porcine (Influenza A virus – IAV) avec le virus du syndrome dysgénésique et respiratoire porcin (vSDRP), un virus issu d’une famille virale (Arteriviridae), assez proche des celle des coronavirus, est un modèle pertinent pour comprendre ces coinfections. Le porc est en effet non seulement une espèce d’intérêt agronomique majeur mais également un modèle pour l’Homme. L’interférence virale est forte entre ces virus quel que soit le type cellulaire considéré. Remarquablement, la cellule épithéliale, cible privilégiée du virus de la grippe, réagira très différemment au virus grippal si elle a été pré-exposée au vSDRP. En effet, elle devient quasiment résistante à l’infection par l’IAV et cela à divers niveaux. Cette observation, valable autant pour des virus sauvages que vaccinaux, est une étape clé pour appréhender le déroulement des poly-infections et peut avoir des implications importantes pour les stratégies vaccinales.

Date de modification : 11 septembre 2023 | Date de création : 11 janvier 2022 | Rédaction : AC