La biologie d’une espèce de tique méconnue associée aux oiseaux enfin révélée !

La biologie d’une espèce de tique méconnue associée aux oiseaux enfin révélée !

Les tiques sont des vecteurs potentiels de nombreuses maladies chez l’homme en zone tempérée. La faune sauvage joue souvent un rôle de réservoir pour les agents pathogènes qui causent ces maladies. Ainsi, la maladie de Lyme en Europe est due pour 41% à Borrelia garinii dont les réservoirs principaux sont les oiseaux. Cette bactérie est transmise à l’homme par la tique Ixodes ricinus qui réalise occasionnellement ses repas de sang sur des oiseaux. D’autres espèces de tiques sont plus spécifiquement inféodées aux oiseaux, comme Ixodes frontalis. Comme elles partagent donc parfois les mêmes hôtes vertébrés qu'I.ricinus, ces espèces peuvent jouer également un rôle dans l’éco-épidémiologie des maladies à tiques. Alors que l'écologie de l'espèce I. frontalis était très mal connue jusqu’à présent, nous avons pu déterminer précisément sa dynamique des populations, qui présente un pic d’abondance des larves en hiver, cas unique parmi les tiques européennes. Par ailleurs, nous avons identifié un biotope privilégié, les bosquets de bambous, où cette espèce s’est avérée présente quasi-systématiquement.

Contexte et enjeux

Les maladies à tiques sont les principales maladies vectorielles chez l’homme en zone tempérée, l'espèce I. ricinus étant l'un des vecteurs les plus répandus et étudiés. Ixodes ricinus peut transmettre par exemple la bactérie Borrelia garinii, l'un des agents de la maladie de Lyme en Europe, les réservoirs principaux de cette espèce de Borrelia étant les oiseaux. En effet I. ricinus effectue occasionnellement ses repas sanguins sur des oiseaux. Mais d’autres espèces de tiques  présentes en France sont plus spécifiquement inféodées aux oiseaux, comme I. frontalis, qui ne pique l’homme qu’exceptionnellement. En raison du rôle de «vecteur-pont» que joue la tique généraliste I. ricinus, une connaissance de la biologie des autres espèces de tiques pouvant partager les mêmes hôtes vertébrés est importante pour mieux comprendre l’éco-épidémiologie des maladies à tiques et prévenir l’émergence de nouveaux pathogènes.

Résultats

Dans le cadre des suivis mensuels de tiques collectées sur la végétation pour les projets Métaprogramme ACCAF CC-EID (2014-2016), puis Climatick (2017-2021), centrés sur l'espèce Ixodes ricinus, des densités inhabituelles de larves ont été observées dès le premier automne du suivi, en octobre et novembre 2014 dans le site étudié près de Nantes. Après identification morphologique, ces larves se sont avérées appartenir à l’espèce I. frontalis, connue jusqu’alors presqu’exclusivement à travers des collectes sur oiseaux (grives, merles, tourterelles…). La présence de ces larves en nombre en fin d’automne et en hiver a été confirmée tous les ans dans ce site depuis le début du suivi. Ce pic hivernal constitue une originalité comparé au cycle des la plupart des espèces de tiques européennes.

Par ailleurs, parmi les 13 transects échantillonnés dans ce site, l'espèce I. frontalis a été observée essentiellement dans des zones à bambous. Dans le but de confirmer le lien entre la présence de cette espèce et un habitat composé de bambous, 33 sites comprenant ce type de végétation ont été échantillonnés en hiver à large échelle, en France métropolitaine et en Italie (1 site). La tique I. frontalis, sous les trois stades (larve, nymphe et adulte), a été retrouvée sur 31 sites à bambous sur 33, confirmant ainsi le lien observé sur le site proche de Nantes.

Parmi les hypothèses permettant d’expliquer la forte présence de la tique I. frontalis sur la végétation sous les bambous figure en premier lieu le rôle de dortoir et de protection pour les oiseaux joué par ces bosquets relativement peu accessibles à des prédateurs.

Perspectives

Ces travaux nous ont permis de mettre en place une nouvelle étude en collaboration avec deux autres laboratoires (UMR BIPAR et ASTRE). Une étude sur le microbiote d’ I. frontalis a été  engagée afin d’identifier les principaux symbiotes et pathogènes associés à cette espèce.

Valorisation

Deux publications : 2019 et 2021 (voir plus loin)

Références bibliographiques

Agoulon, A., Hoch, T., Heylen, D., Chalvet-Monfray, K., Plantard, O. 2019. Unraveling the phenology of Ixodes frontalis, a common but understudied tick species in Europe. Ticks and Tick-Borne Diseases. 10:505-512. https://doi.org/10.1016/j.ttbdis.2018.12.009.

Plantard O., Hoch T., Daveu, R., Rispe, C., Stachurski, F., Boué, F., Poux, V., Cebe, N., Verheyden, H., René-Martellet, M., Chalvet-Monfray, K., Cafiso, A., Olivieri, E., Moutailler, S., Pollet, T., and Agoulon, A. 2021. Where to find questing Ixodes frontalis ticks? Under bamboo bushes! Ticks and Tick-borne Diseases, 12(2):101625. DOI: 10.1016/j.ttbdis.2020.101625.

ixodesfrontalis

Femelle gorgée de la tique Ixodes frontalis (face ventrale) collectée sur tourterelle turque (26/09/2018).

Date de modification : 11 septembre 2023 | Date de création : 12 janvier 2022 | Rédaction : OP